Veille : Joseph Campbell – Le Héros aux mille et un visages (1949)

En 1949, Joseph Campbell, chercheur et spécialiste en mythologies, propose dans  Le Héros aux mille et un visages une nouvelle théorie en narratologie : le monomythe. D’après lui, il existe un schéma narratif archétypique commun à l’ensemble des grands mythes et religions qui correspond au voyage du héros. Les mythes classiques les plus populaires répondant le mieux à cette structure sont ceux d’Osiris, Prométhée, Bouddha, Moïse et Jésus.

« Un héros s’aventure à quitter le monde du quotidien pour un territoire aux prodiges surnaturels : il y rencontre des forces fabuleuses et y remporte une victoire décisive. Le héros revient de cette mystérieuse aventure avec la faculté de conférer des pouvoirs à ses proches. »

On retrouve dans cette théorie les influences de Freud (complexe d’Œdipe), Jung (figures archétypales, inconscient collectif, « processus d’individuation » au travers duquel l’individu acquiert une maturation psychologique lui permettant d’accéder à son identité réelle), et Van Gennep (théorie des « Rites de passage » publiée en 1909 autour des rites impliquant l’entrée ou la sortie d’un groupe social : grossesse, naissance, initiation, mariage et mort structurés en trois phases préliminaire, liminaire et d’agrégation).

 

« L’objet de la mythologie véritable et du conte de fées est de révéler les dangers et les méthodes propres à l’obscure voie intérieure qui mène de la tragédie à la comédie. Cela explique pourquoi les traditions y sont fantastiques et « irréelles » : elles représentent des victoires psychologiques et non des victoires sur le plan physique. Même lorsque la légende concerne un personnage historique réel, la relation de ses exploits n’emprunte pas ses images à la vie, mais au rêve ; l’essentiel, en effet, n’est pas que tel ou tel exploit ait été accompli sur terre : l’essentiel est qu’avant que tel ou tel exploit ait pu être accompli sur terre, cet autre exploit, plus important, primordial, ait eut lieu à l’intérieur du labyrinthe que nous connaissons tous et dans lequel nous pénétrons en rêve. Le héros mythologique, à l’occasion, peut effectuer ce passage sur terre ; fondamentalement, il est intérieur et se situe dans ces profondeurs où les résistances obscures sont surmontées et où des pouvoirs depuis longtemps perdus et oubliés sont revivifiés, pour être disponibles en vue de la transfiguration du monde ».

 

D’après Boris Solinski (1), cette « aventure mythologique du héros » passe par trois phases : la séparation ou le départ – l’appel de l’aventure, le refus de l’appel, l’aide surnaturelle, le passage du premier seuil, le ventre de la baleine ; l’initiation avec ses épreuves et ses victoires  : le chemin des épreuves, la rencontre avec la déesse, la femme tentatrice, la réunion au père, l’apothéose, le don suprême ; le retour du héros et sa réintégration dans la société : le refus du retour, la fuite magique, la délivrance venue de l’extérieur, le passage du seuil au retour, maître des deux mondes, libre devant la vie.

(1) Boris Solinski , « Joseph Campbell, Le héros aux mille et un visages », Questions de communication, 18 | 2010, 264-265.